Comment notre perception des humains virtuels est influencée par leur mouvement

Devenue très réaliste, l’apparence des avatars n’est pas toujours des plus adaptée pour les applications qui ne sont pas conçues pour le divertissement. Parfois même, elle suscite des évaluations négatives chez l’utilisateur. Une partie du problème ne vient pas de la représentation visuelle en soit, mais plutôt de la façon dont les personnages bougent et agissent dans l’environnement. Chercheuse à Inria, vient de recevoir une bourse européenne Marie Skłodowska-Curie précisément pour explorer comment le mouvement de ces humains virtuels réalistes influence notre perception.

 


En matière de réalisme des personnages dans les environnements virtuels, les gens de notre communauté travaillent surtout sur la façon de représenter des mouvements faciaux qui paraissent naturels. Ils ont tendance à moins s’intéresser à l’ensemble du corps. Moi, je me concentre là-dessus car j’ai le sentiment que le sujet n’a pas été suffisamment exploré jusqu’à présent,” résume Katja Zibrek, membre de VirtUS*, une future équipe de recherche au centre Inria Rennes – Bretagne Atlantique*. Avec sa double formation en psychologie et informatique, cette chercheuse s’intéresse à la façon dont le réalisme des humains virtuels influe sur la perception et le comportement de l’utilisateur. Elle a reçu récemment une bourse européenne Marie Skłodowska-Curie pour étudier davantage l’importance du mouvement chez ces personnages. Son projet de recherche s’appelle ForEVR. Il va durer deux ans.

Nous avons quelques idées sur ce que pourrait être un mouvement attrayant.

Des recherches antérieures nous indiquent que le mouvement influe sur le comportement des gens. C’est un signifiant fort. Mais on ne le comprend pas très bien.

On en parle peu. Probablement parce que c’est très difficile à quantifier.

D’où justement le besoin de développer des méthodes et mesures qui puissent quantifier de façon fiable ces modulations dans le mouvement. “Par exemple, si nous appliquons un changement au personnage, les utilisateurs vont-ils réagir ? Vont-ils même seulement le remarquer ? Ces métriques devraient constituer l’un des résultats majeurs du projet.

Le défi principal, lui, sera d’arriver “à un point où nous pourrions changer le mouvement d’une façon significative, afin qu’il soit perçu comme nous le souhaitons. Nous essayons de créer des mouvements qui possèdent différentes qualités.” In fine, on peut le voir comme un jeu de filtres de mouvements permettant de véhiculer toute une gamme d’états émotionnels. “Vous enregistrez d’abord un mouvement naturel. Vous appliquez ensuite l’algorithme, et vous obtenez un changement dans le mouvement de sorte que le personnage apparaisse, disons, névrosé par exemple. Il semble maintenant posséder une autre personnalité. C’est très utile car cela évite d’avoir à capturer toutes les sortes de mouvements possibles selon la personnalité que l’on souhaite insuffler au personnage virtuel. Il suffit d’en enregistrer un, puis de le modifier.” Cerise sur le gâteau : la modification pourrait s’effectuer en temps réel. En pratique, une telle technologie serait fort utile aux chercheurs de différents domaines n’ayant pas facilement accès à un bon et coûteux système de capture de mouvements.

 

Rééducation psychologique

Les algorithmes qui naîtront du projet seront par la suite transféré à Virtual Bodyworks. Issue de l’université de Barcelone (UB), cette entreprise développe des environnements immersifs pour la rééducation médicale et psychologique. Un de ses protocoles innovants concerne la réhabilitation de détenus condamnés pour violences conjugales. “Les auteurs sont placés dans la situation d’une femme agressée ou harcelée par un homme. De cette façon, ils peuvent voir ce que cela fait quand on subit ces violences. Le but ici est de développer leur empathie pour les victimes.” Dans les dernières années, ces recherches ont bénéficié de financements européens à travers plusieurs projets, dont VR per GENERE. L’Hôpital clinique de Barcelone expérimente actuellement ce protocole en collaboration avec les autorités judiciaires de Catalogne.

Capture d’écran issue des travaux de rééducation psychologique par réalité virtuelle menés à Barcelone. (a) Regardant le miroir, le participant se voit incarné dans le corps de sa compagne. (b) Il regarde son corps en point de vue première personne. (c) Il touche des balles virtuelles. (d) Le personnage masculin virtuel entre et agresse verbalement le participant incarné en personnage féminin. (e) Il jette un téléphone au sol. (f) Il rentre dans la sphère de proximité directe. © UB, IDIBAPS, CREA, MU, ICREA.

Plus généralement, les techniques d’incarnation sont de plus en plus envisagées pour traiter différents troubles mentaux. Elles pourraient, par exemple, contribuer à améliorer la confiance en soi.” Dans le même ordre d’idée, la plateforme Socrates utilise l’immersion pour le traitement de l’obésité.

Le projet ForEVR marque aussi un jalon pour Katja Zibrek à un niveau plus personnel. “Jusqu’à présent, j’ai toujours travaillé en tant qu’élément d’une équipe. C’est la première fois que je mène mes propres recherches. C’est mon projet, ma responsabilité. J’ai aussi une responsabilité vis-à-vis d’un étudiant. Mais après tout, favoriser l’autonomie des jeunes chercheurs, c’est précisément la raison d’être des Actions Marie Skłodowska-Curie.

 

  •  VirtUS est une équipe-projet Inria, Université Rennes 2, Université Rennes 1 et ENS Rennes, commune à l’Irisa.

 

« This project has received funding from the European Union’s Horizon 2020 research and innovation programme under the Marie Sklodowska-Curie grant agreement No 101030793

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