Conférence internationale de bio-imagerie quantitative à Rennes

Du 9 au 11 janvier, Rennes accueillait la conférence « Quantitative BioImaging », un congrès international interdisciplinaire au croisement de la biologie cellulaire, de la biophysique, de la microscopie, de l’optique et de l’imagerie computationnelle. L’événement était co-présidé par Charles Kervrann, responsable de l’équipe Serpico, au centre Inria Rennes – Bretagne Atlantique. Comme il l’explique, c’est à la frontière de ces domaines de recherche que vont naître les médicaments de demain.


En 2014, le prix Nobel de chimie a été décerné à Eric Betzig, Stefan Hell et William Moerner pour leurs découvertes en microscopie à fluorescence très haute résolution. Les trois chercheurs ont brisé la barrière optique présumée infranchissable depuis sa définition par le physicien Ernst Abbe en 1873. Ils ouvrent ainsi la porte de l’infiniment petit au vivant. Le monde du nanomètre. Et c’est une révolution : les biologistes peuvent désormais observer des événements à l’échelle de la molécule. Cette percée illustre le foisonnement de découvertes et d’innovations qui traversent actuellement le monde de la recherche au carrefour de l’optique, de la biologie, de la chimie et du numérique.

 

On n’a jamais vu une telle dynamique dans la mise au point d’imageurs. Tous les ans sort quelque chose de nouveau,  constate Charles Kervrann, responsable de Serpico, une équipe Inria spécialisée en imagerie quantitative pour la biologie. On veut voir en 3D, dans le temps, avec plusieurs sondes fluorescentes simultanément (multicouleurs), à des échelles plus petites, à des vitesses plus grandes, etc. Ces avancées témoignent des efforts qui sont faits à la fois en optique et en biologie moléculaire. C’est d’autant plus intéressant que, derrière, il y a un enjeu important : la santé de demain. En effet, l’avenir du médicament, c’est la médecine numérique. Nous allons vers des produits très ciblés capables de soigner au niveau de la cellule et non plus de l’organe. Cette médecine-là va s’appuyer sur tous ces progrès que j’évoquais en physique, en chimie, en biologie et en numérique. La conférence internationale de bio-imagerie quantitative a pour objectif de faire le point sur toutes les avancées récentes dans ce contexte.

350 participants

Quelque 350 chercheurs et industriels sont attendus. “L’événement est trop grand pour tenir dans l’espace des conférences d’Inria. Nous louons donc la nouvelle infrastructure de congrès de Rennes, le Couvent des Jacobins. Nous aurons jusqu’à trois sessions simultanées dans des salles différentes.

QBI existe depuis 2013. Elle se déroule traditionnellement début janvier, avant la reprise des cours universitaires aux États-Unis. “C’est une conférence américaine qui a été créée par mon collègue Raimund Ober (Texas A&M). Plus récemment, nous venons de constituer une société savante du même nom. Nous envisageons ensuite de lancer si possible une revue scientifique. Le but de tout cela est de structurer une communauté interdisciplinaire. Il existe un certain nombre de scientifiques de différents horizons qui travaillent dans ce domaine où se mêlent étroitement la physique, la chimie, la biologie, le numérique. Or nous avons tous besoin les uns des autres pour avancer. Et il nous manquait ce forum de discussion pour échanger nos points de vue et partager nos expériences réciproques.”

Pourquoi une conférence d’origine américaine choisit-elle de se transporter à Rennes ? “Je vais régulièrement à cet événement. Je fais partie d’une cellule d’une vingtaine de personnes qui s’en occupe. J’ai proposé de l’organiser chez nous. Cela a été accepté. L’édition 2015 avait déjà eu lieu en France, en l’occurrence à l’Institut Pasteur.

 

Engendrer des partenariats

Le millésime 2019 est non seulement organisé mais aussi financé directement par l’équipe de recherche Serpico. “Nous sommes soutenus par l’Agence nationale de la recherche et France Bio-Imaging (FBI), une infrastructure nationale de bio-imagerie créée par le gouvernement dans le cadre du Programme Investissements d’Avenir. Cette infrastructure est coordonnée par Jean Salamero, membre de  l’équipe Serpico, basé à l’Institut Curie, à Paris. Le financement provient aussi des recettes de notre équipe, issues de nos contrats de recherche. Il est rare de voir une équipe prendre ainsi en charge financièrement une conférence, et cela d’autant plus que la participation est gratuite pour les académiques. L’intention peut donc sembler philanthropique, mais il faut plutôt considérer cela comme un investissement. Les participants académiques et industriels vont s’intéresser à nos travaux en bio-imagerie computationnelle. Je fais le pari que cette rencontre engendrera des partenariats par la suite.

Environ 90 industriels font le voyage. “Cela va des lasers aux microscopes en passant par les laboratoires pharmaceutiques.” Parmi eux, 12 entreprises sponsors ont présenté leurs produits sur un stand. “Mais d’autres sont venues plutôt dans une démarche de veille technologique et de R&D. Ils sont à l’affût des progrès dans leur domaine.”

Exploiter les données

L’objectif est aussi d’attirer plus d’académiques. “Nous aimerions que nos collègues des sciences du numérique viennent davantage travailler à nos côtés. Car nous avons besoin d’eux. Il y a un énorme potentiel d’innovation, mais aussi de grands défis et de réels verrous scientifiques.”  À commencer par le traitement des données. “Je travaille entre Paris et Rennes. Nos fichiers d’images atteignent l’échelle de plusieurs téraoctets pour une expérience biologique. Le transfert de ces données un problème en soi ; cela va plus vite de leur faire prendre le TGV de Paris à Rennes que d’utiliser le réseau haut débit de Renater ! L’objectif est  de transformer ces pixels en descripteurs qui produisent du sens.” Datamining ? Intelligence artificielle ? “Exactement. Mais en l’état actuel, cela reste très compliqué. Nos images ne sont pas directement exploitables pour une analyse systématique avec des approches de bioinformatique. Ça commence, mais on n’y est pas encore.

La bio-imagerie quantitative cherche également de nouveaux talents. “Nous avons besoin de jeunes motivés. Hélas, ils ne viennent pas spontanément vers notre domaine. L’astrophysique fait plus rêver ; nous sommes tous fascinés par l’univers et l’infiniment lointain. On se passionne un peu moins pour l’infiniment petit. Dommage, car c’est tout aussi magique et, en plus, le chercheur peut agir sur celui-ci.

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