Lost in brain

© Inria / Dessin P. Aran

Moi, ma passion, c’est la navigation. J’adore me balader dans le vaste et complexe réseau d’axone du cerveau. Il s’agit des liaisons reliant les neurones entre eux, on peut appeler ça fibres. Mais le réseau est tellement complexe, avec tant de chemins, de croisements et d’embranchements, qu’on s’y perd facilement. On peut par exemple prévoir une croisière au départ des aires moteurs, et finalement se retrouver dans une aire visuelle.
Alors, pour organiser tout cela, il a été imaginé de créer, de dessiner, des cartes du réseau de liaisons. L’idée était de parcourir, axones après axones, chemin après chemin, tout le cerveau. Mais, pour des raisons d’ordre financier principalement, il était impossible de recruter des milliers de petits navigateurs comme moi. Or, tout seul et en considérant le nombre de cerveaux existants, ce travail titanesque me prendrait plusieurs vies, au bas mot.
On a donc voulu essayer autre chose. Nos copains les photographes de cerveaux, eux, sont capables de prendre des photos de sortes de panneaux de signalisation (ou faire de l’IRM de diffusion, pour ceux qui veulent frimer), indiquant approximativement le
chemin parcouru par les axones. En suivant ces panneaux de proche en proche et en prenant des points de départ un peu partout dans le cerveau, on peut estimer une carte du réseau. Comme on suit, à la trace les fibres (les panneaux de signalisation), on peut dire qu’on les traque. On a donc décidé d’appeler cette technique : la tractographie.

Malheureusement, vint rapidement un problème. Je me perdais sans cesse, créant des liaisons qui n’existent pas. En effet le nombre de panneaux est bien inférieur au nombre de fibres, ainsi qu’à la quantité de détail. En plus, chaque cerveau est différent. Mais comme la lourde tâche de dessiner les cartes m’incombait, comment pouvais-je savoir que je me perdais ? C’est ainsi que de nombreuses fausses cartes furent dessinées. On s’en aperçut quand des grands savants, se doutant probablement du souci, organisèrent de grandes expéditions, lentes et très onéreuses, pour suivre une à une toutes les fibres. Leurs conclusions furent édifiantes, nos cartes étaient inutilisables.
Heureusement, devant l’ampleur de la catastrophe, une solution vit très vite le jour.
Des expéditions de grands savants furent menées sur un grand nombre de cerveaux différents. En combinant toutes ces cartes on obtint un grand atlas, pouvant servir de base commune pour tous les cerveaux. Ensuite, pour cartographier un nouveau cerveau, à chaque région ou croisement complexe, il suffit de comparer les panneaux de signalisation et la carte de l’atlas puis de prendre la direction la plus probable. On avait donc créé le tout premier GPS pour cerveau. Et je peux enfin m’adonner à ma passion, sans craindre me perdre dans les méandres du cerveau.

Moi c’est Thomas. J’ai commencé ma vie universitaire avec une licence de chimie, à l’université de Caen, que j’ai obtenue. Licence qui m‘a surtout permis de réaliser que la chimie n’est pas un domaine d’avenir pour moi. Je me suis donc réorienté vers une licence d’EEEA (les domaines qui commencent par élec, avec de l’informatique et un peu de maths, aussi) A la suite de laquelle j’ai fait un master de traitement des signaux, grâce auquel j’ai pu débuter ma thèse chez Inria, dans l’équipe Empenn.
Je m’intéresse à la tractographie car ce sont des méthodes très prometteuses pour l’étude du fonctionnement du cerveau ainsi que l’étude de pathologie neurologique mais qui ne peuvent pas à l’heure actuelle, à cause d’un trop grand nombre de faux positifs (les navigateurs qui se perdent), être utilisée à leur plein potentiel.

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