Protocole expérimental

Sur 4 semaines

  • Semaine 1 et 2 : Abord clinique de l’expérimentation : La stagiaire doctorante psychologue ou les ingénieurs psychologues participent à la vie de l’institution et travaillent à :
    • ce que leur présence soit tolérée,
    • participer aux activités du quotidien et nouer un partenariat,
    • repérer les bords autistiques (affinités de chacun des sujets autistes) et les sujets autistes susceptibles d’être intéressés par un atelier numérique,
    • échanger avec les professionnels de l’institution.

La rencontre des sujets participant à cette étude a suivi un protocole d’au moins deux semaines, qui a précédé la passation de l’expérience proprement dite. Tout d’abord, faisant grand cas de l’angoisse que peut susciter l’arrivée de nouvelles personnes dans leur environnement, nous avons fait le nécessaire pour que les sujets autistes supportent notre présence dans leur lieu de vie. Ceci était primordial, aussi bien du point de vue des jeunes, que des équipes et de l’institution. À cette fin, nous avons participé aux différentes réunions cliniques réunissant les professionnels et nous avons passé du temps avec tous les jeunes selon la contingence des événements. Nous avons également fait le choix de nous présenter en tant que « stagiaires », un signifiant qui leur est familier, afin de susciter le moins d’énigmes possibles à ces sujets, si sensibles aux autres et au changement. Se joindre à leur vie quotidienne et se faire partenaire d’un lien, voilà notre première modalité de rencontre auprès des sujets autistes.

Lors de cette première étape, les psychologues se sont attelés à récolter des données cliniques. Un temps d’observation nous permettait de repérer les sujets susceptibles de participer à cette enquête, ainsi que leurs affinités. Une partie de notre travail consistait alors, d’une part, à cibler les éléments diagnostics de l’autisme et d’autre part, à porter notre attention sur leurs activités, sur ce qu’ils apprécient, allant parfois déjà un peu à leur rencontre.

S’en est suivi un temps de recueil approfondi des données cliniques, où il s’est agi de confronter nos observations à celles des professionnels, tout en nous enrichissant de leur savoir clinique. Ce temps était très important, car il permettait à l’occasion de rediscuter, penser à nouveau la situation d’un jeune à l’aune de ce que les stagiaires avaient pu remarquer (c’est en effet là l’apport de toute nouvelle personne arrivant dans une institution.) Pour rencontrer des sujets dont le mode d’être au monde se fonde sur un la rétention et le repli, il apparaissait nécessaire d’échanger avec les professionnels qui partagent leur quotidien. Nous nous sommes donc aussi intéressés à ces partenaires institutionnels que les sujets côtoient le plus ; les éducateurs référents, psychologues, infirmiers, instituteurs…Ils constituent en effet une ressource précieuse pour le recueil clinique, palliant ce que que notre présence temporaire lors de l’enquête ne permettait pas de repérer. Ces données sont par ailleurs toujours discutées collectivement lors des réunions cliniques.

  • Semaine 3 et 4 : Proposition d’un atelier numérique animé par la stagiaire psychologue et la stagiaire en informatique.
    • Établissement d’un lien,
    • repérage des usages du numérique,
    • sélection des items pour la passation.

L’atelier peut-être présenté comme « un stage », un « atelier numérique », sur une à plusieurs demi-journées, ou sur l’ensemble des 2 semaines, en fonction de l’intérêt du sujet et de l’avis de l’équipe. Les stagiaires psychologues accueillent, accompagnent et font lien, là où la stagiaire informatique propose son savoir technique à chacun des sujets accueillis, en fonction de leur centre d’intérêt. L’atelier est adapté au cas par cas, il s’agit de suivre le centre d’intérêt du sujet et non de le lui fournir. En fonction de nos propositions, des outils que nous mettons à sa disposition, il nous fait découvrir ses usages du numérique et comment cela s’articule avec ses défenses autistiques. Le numérique est ici utilisé comme outil plutôt que comme affinité, car lorsque l’on travaille avec les sujets autistes branchés sur le numérique, on constate bien souvent que ce qui constitue leur affinité est davantage un personnage accessible sur ce média, une application, que l’outil numérique lui-même.

Nous avons alors organisé des ateliers informatiques autour des intérêts spécifiques de chacun. Il pouvait s’agir d’initiations à des logiciels de coloriage, ou de musique, aussi bien que le recensement de vidéos relatives à leurs intérêts. C’était également l’occasion de rencontrer plus spécifiquement les personnes avec autisme que nous souhaitions voir participer à l’étude. Au détour d’un temps informel, une petite rencontre autour d’un jeune (dessiner, écouter de la musique, ne rien faire ensemble…) permet aussi bien de situer l’affinité du sujet (en écoutant par exemple des chansons Disney) que de se faire accepter dans son monde. Cette inscription du stagiaire dans son univers, sera ainsi à l’origine d’une confiance permettant de proposer une activité. Souvent accompagnés d’un partenaire institutionnel, un grand nombre de sujets ont investi ce lieu d’activité numérique, peu importe leur diagnostic. Tout le monde était invité à y participer et demeurait libre à chaque instant d’en partir.

Enfin, c’est aussi le temps de la mise en relation avec les informaticiens en choisissant les images-affinités à présenter pour chaque sujet, en les prenant en photo si besoin et en transmettant ces données à l’équipe informatique. Un aller-retour entre les deux laboratoires (celui des psychologues et celui des informaticiens) permet ainsi de s’ajuster au mieux aux nécessités tant cliniques qu’expérimentales dans le choix des items.

  • Semaine 4 : Conclusion de l’atelier numérique par l’expérimentation oculométrique, réalisée simultanément par les stagiaires en informatique et en psychologie:
    • Deux protocoles possibles :
  1. Sur l’ordinateur :Construit à partir de l’étude clinique des autistes, une trentaine d’images est présentée aux sujets, comprenant vingt-huit images neutres (supposées ne pas susciter de réaction particulière) et dix images représentant leur affinité. Celles-ci sont projetées sur un écran sous lequel est fixée une barre d’eye tracking qui enregistre la position du regard. Simultanément, une caméra Kinect placée au-dessus de l’écran, enregistre les interactions vocales avec les cliniciens présents et la mise en fonction du corps du sujet dans l’espace lors de la passation.
  2. Avec les lunettes numériques : La proposition du port des lunettes, vise à permettre l’immersion dans les réactions visuelles du sujet avec son objet et non plus devant une image le représentant sur un écran. Les lunettes permettent également de décloisonner l’atelier d’un bureau qui lui serait dévolu et de se promener sur le lieu de vie, au plus proche de leur quotidien.

Le troisième temps correspond à la semaine d’expérimentation. Le dispositif est installé dans une salle vers laquelle les stagiaires psychologues, les éducateurs, le directeur de l’institution… orientent les sujets. À l’occasion, ceux-ci peuvent également se présenter d’eux-mêmes. C’est dans cette salle, mise à notre disposition, dont l’emplacement a été discuté au préalable en réunion, qu’ils participent à l’atelier, aussi bien qu’à l’activité expérimentale. Cette dernière ayant pour objectif de permettre l’observation et la mesure de leur comportement visuel en présence de leur affinité.

Lorsque nous leur avons proposé de participer à la passation expérimentale, certains sujets ont choisi de ne pas y prendre part, tandis que d’autres ont exprimé le besoin d’être accompagnés par un partenaire institutionnel. Certains, à l’inverse, y ont participé avec enthousiasme, exprimant parfois le souhait de réitérer l’expérience. Quelques uns ayant participé à l’atelier n’ont pas pu effectuer la passation, en raison de leur absence au moment de l’expérimentation, voire de leur refus. Aussi, certains sujets ne répondant pas aux critères diagnostiques de l’autisme ont parfois prit part à l’ensemble du protocole expérimental, à leur demande, bien qu’ils ne puissent être retenus pour l’étude. En outre, bien que les lunettes numériques aient été proposées aux sujets autistes lors de la passation, aucun n’a accepté de les porter.

Ce protocole de découverte des affinités et de rencontre avec les sujets, nous conduira au final à considérer 52 participants à l’étude. Leurs données ont été retenues et analysées selon le double critère d’autisme et de présence d’une affinité.

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