Session scientifique 3

Pourquoi n’avons-nous toujours pas d’ordinateur quantique ?

  • Session scientifique du mercredi 30 juin, coordonnée par Ludovic Mé et animée par Harold Olliver, responsable du programme Technologies quantiques, Inria

La mécanique quantique, qui décrit les phénomènes physiques à l’oeuvre à l’échelle atomique, permet d’envisager des gains de temps faramineux dans l’exécution de certains calculs. En effet, un ordinateur exploitant ces phénomènes peut explorer simultanément plusieurs branches d’un calcul puis les combiner pour produire le résultat. Cette médaille a cependant son revers : les ordinateurs quantiques sont extraordinairement sensibles au bruit et il faut optimiser leurs programmes si l’on veut que les premiers prototypes d’aujourd’hui passent à l’échelle et rendent les services que l’on attend d’eux. Des travaux de recherche intenses sont donc conduits depuis quelques années, dans l’espoir de produire une machine quantique fiable, utilisable et offrant de bonnes capacités de traitement. Ces travaux posent des défis extrêmement importants, qui font l’objet des travaux des orateurs de cette session. Ceux-ci vous présenteront ces défis et la manière dont ils les abordent.

Keynote

Daniel Estève, directeur de recherche au CEA, responsable de l’équipe Quantronique, Membre de l’Académie des Sciences, du Conseil scientifique du laboratoire national de métrologie et de l’Atos Quantum Advisory Board.

Daniel Estève est responsable de l’équipe Quantronique du Service de Physique de l’Etat Condensé au CEA-Saclay. Il est  membre de l’Académie des Sciences, et a contribué à créer le Conseil Européen de la Recherche dont il a été vice-président. Après une thèse en résonance magnétique nucléaire en 1982, il se tourne vers la  physique mésoscopique naissante et crée avec M. Devoret et C. Urbina  le groupe Quantronique pour tester notamment des circuits électriques dans lesquels la physique quantique pourrait se manifester au niveau global, ce que les expériences confirment quantitativement. Un circuit appelé à un bel avenir, la boîte à paires de Cooper, permet de reproduire au début des années 2000 les expériences fondatrices de la mécanique quantique. Ce circuit a permis de mener aux premiers circuits supraconducteurs à bits quantiques. Le processeur élémentaire démontré au début des années 2010 a apporté une première démonstration électrique d’algorithme quantique. Depuis, l’équipe s’est orientée vers la recherche de bits quantiques ayant une meilleure cohérence quantique à base de spins individuels couplés à des circuits quantiques.

Intervention : Les routes vers le calcul quantique 

La découverte que la mécanique quantique constitue une ressource pour effectuer des tâches de calcul hors de portée des ordinateurs conventionnels a lancé une recherche intense visant à réaliser un ordinateur quantique. Dans le domaine des circuits électriques, la plateforme la plus avancée utilise comme briques de base des bits quantiques supraconducteurs à base de jonctions Josephson. Je décrirai la genèse de ces circuits, et la boîte à paires de Cooper dont la version transmon a mené à des processeurs quantiques élémentaires néanmoins capables de mettre en oeuvre de véritables algorithmes quantiques. J’expliquerai le problème majeur que pose la correction d’erreur quantique pour monter en taille, et les stratégies suivies pour y faire face. J’introduirai finalement la voie hybride développée dans notre laboratoire qui combine des spins microscopiques ayant une grande cohérence quantique avec des circuits quantiques.

 
 

Présentations scientifiques

1. Vers un processeur quantique tolérant aux fautes

Mazyar Mirrahimi
Directeur de recherche Inria
Responsable de l’équipe-projet Quantic
Inria de Paris

Résumé  : Malgré des avancées importantes durant les 20 dernières années, le fonctionnement des processeurs quantiques est largement limité par la destruction de la cohérence quantique (appelée décohérence) due à l’interaction des qubits avec un environnement bruité. Une solution théorique à ce problème majeur, développée depuis les années 1990, est la correction d’erreur quantique. Toutefois, cette solution est accompagnée d’un surcoût expérimental prohibitif qui reste hors de portée des dispositifs actuels. Dans cet exposé, je vais présenter une voie alternative d’encodage de l’information quantique qui devrait donner lieu à une réduction importante de ce surcoût. Des expériences récentes montrent l’intérêt et le potentiel de ce nouvel encodage connu sous le nom des « qubits de chat ».


 

2. Des codes correcteurs pour protéger l’information quantique

Anthony Leverrier
Chercheur au sein de l’équipe-projet Cosmiq
Inria de Paris

Résumé : Le plus grand défi technologique à relever pour la construction d’une ordinateur quantique universel est celui de la correction d’erreur. En effet, l’information quantique est particulièrement fragile, soumise notamment au phénomène de décohérence, et requiert de mettre en oeuvre des techniques de correction d’erreur afin de la protéger. Dans cet exposé, je présenterai brièvement le formalisme mathématique décrivant les codes correcteurs quantiques. Je ferai ensuite un état des lieux des dernières avancées théoriques dans ce domaine et mentionnerai les grandes questions ouvertes.


 

3. Compilation optimisante pour ordinateurs quantiques

Caroline Collange
Chargée de recherche au sein de l’équipe-projet Pacap
Inria Rennes – Bretagne Atlantique
Universitié de Rennes, CNRS, IRISA

Résumé  : Le calcul quantique a grandement progressé durant les dernières décennies : d’une part à haut niveau par des travaux d’informatique théorique sur les algorithmes quantique et la correction d’erreur, et d’autre part à bas niveau sur les technologies permettant de construire des ordinateurs quantiques. Il reste néanmoins à faire le lien entre ces deux mondes, en particulier par des compilateurs optimisants de code quantique. En effet, les premières générations d’ordinateurs quantiques ne permettant pas la correction d’erreur, les optimisations de compilation seront cruciales pour maîtriser le bruit à l’exécution.


4. Langages graphiques en informatique quantique

Simon Perdrix
Chargé de recherche CNRS
Chercheur au sein de l’équipe-projet Mocqua
Inria Nancy – Grand Est
CNRS, LORIA, Université de Lorraine

Résumé  : Le développement d’une pile quantique est nécessaire pour faire le lien entre les algorithmes quantiques qui permettent de résoudre certains problèmes hors de portée des ordinateurs classiques et les récents développements des technologies quantiques. Il faut en particulier des langages permettant de décrire des algorithmes quantiques, construire des bibliothèque, mais aussi raisonner, vérifier et optimiser le code quantique. Je présenterai brièvement les spécificités des langages quantiques, nous verrons en particulier l’importance des approches graphiques dans ce domaine.

 

 


5. Cryptographie post-quantique

Damien Stehlé
Chercheur au sein de l’équipe-projet Aric
Professeur des universités
ENS de Lyon
Inria Grenoble – Rhône-Alpes
Institut Universitaire de France

Résumé : Un ordinateur quantique suffisamment puissant permettrait de casser efficacement une très importante partie des protocoles cryptographiques actuellement déployés, qui garantissent notamment la confidentialité et l’authenticité des communications. La cryptographie post-quantique a pour objet d’obtenir des alternatives présumées sûres y compris contre des attaquants quantiques, avec des utilisateurs honnêtes pouvant se contenter d’ordinateurs classiques. Nous ferons un survol rapide du domaine, avec un focus sur le projet de standardisation mené par le NIST.

 


 

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