Depuis le 1er novembre, Patrick Gros est devenu le nouveau directeur du centre de recherche Inria Rennes – Bretagne Atlantique. Chercheur confirmé, il a piloté pendant six ans le centre Inria Grenoble – Rhône-Alpes. Il relève aujourd’hui un nouveau défi en succédant à Stéphane Ubéda et fait le point sur les trois principaux chantiers qu’il devra mener en Bretagne.
Rennes, Patrick Gros connait bien. Ce Dauphinois y a passé 15 ans, dont 12 à la tête d’une équipe de recherche Inria spécialisée dans l’exploitation des documents multimédias, comme les archives de la télévision par exemple. Sur son bureau, pour ce retour, trois dossiers principaux l’attendent : trois priorités stratégiques définies par le Contrat d’objectifs et de performances signé entre Inria et l’État.
Tout d’abord : la cyber-sécurité. Fin 2015, Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense, impulsait la création en Bretagne, et avec la Région, d’un Pôle d’excellence cyber (PEC). Cette initiative s’est traduite par une injection de moyens : lancement d’un Laboratoire de haute sécurité à Inria, création d’un Commandement militaire de cyber-défense (CybCom), nouveaux modules de formations, financement de thèses de doctorat…
Centre de compétences en cyber-sécurité
D’autres instruments continuent de se mettre en place. “Le 13 octobre dernier, a eu lieu l’inauguration du C-Cube, le Centre de compétences en cyber-sécurité. Il s’agit d’un outil inter-établissements (1) qui aura pour mission de renforcer la formation, la recherche et l’innovation en cybersécurité sur le territoire. Par ailleurs, dans le cadre du troisième Programme d’investissements d’avenir (PIA 3), Rennes vient d’obtenir une École universitaire de recherche (EUR) pour développer des programmes innovants de formation en matière de cyber-sécurité. Cette école s’appelle Cyberschool. Il existe aussi un accord général de partenariat associant la Direction générale de l’armement et un certain nombre d’acteurs académiques bretons. Nous disposons donc maintenant de tout un panel d’outils avec des partenaires qui jouent la carte de la complémentarité.”
Inria Startup Studio
Deuxième axe : le transfert de technologie. “Dans un contexte où la Covid met à mal l’économie, Inria réfléchit au moyen d’assurer un impact maximal aux recherches menées dans l’institut. La création de start-ups apparait pour cela comme un moyen privilégié qui assure un time-to-market assez court. Depuis longtemps, nous accompagnons la création d’entreprises, qu’elles soient initiées par des gens travaillant dans l’institut ou des personnes externes utilisant nos technologies. En deux ans, au niveau national, Inria est passé de 10 à 30 projets suivis par an. Le Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation nous a fixé comme objectif d’augmenter fortement ce nombre pour atteindre une centaine de start-ups par an à l’horizon 2023.” Dont 15 à Rennes. “Pour réussir ce passage à l’échelle, nous avions besoin de travailler à l’industrialisation de notre soutien. Le Startup Studio qu’Inria a mis en place va nous permettre de mutualiser les moyens pour devenir plus efficaces dans notre support à ces projets, en s’appuyant également sur les liens privilégiés que nous partageons avec les acteurs de l’innovation de notre écosystème.”
Inria entend aussi renforcer les partenariats stratégiques de R&D avec des acteurs qui représentent de l’emploi en France. “Nous souhaitons en particulier créer des équipes de recherche commune avec des industriels. Une première équipe commune est ainsi en cours de création avec Naval Group, en l’occurrence à Bordeaux. D’autres vont suivre. On peut imaginer des équipes avec Dassault Systems, Orange, Safran, etc.”
Université intégrée
Troisième gros dossier : le projet d’université intégrée visant à fédérer les acteurs académiques du bassin rennais. “Au départ, il était fortement lié aux appels à projets Idex et I-Site dans le cadre du PIA. La candidature proposée par Rennes sur ces deux projets n’avait pas été retenue. Mais la volonté de rapprochement entre les établissements demeure. Du coup, cela ne prendra pas forcément la même physionomie que pour les sites universitaires retenus et contraints, eux, de répondre aux critères d’un jury international. D’une certaine façon, à Rennes, nous nous retrouvons avec plus de liberté.”
Des discussions sont en cours pour définir les modalités de ce rapprochement. “L’Université Rennes 1 propose une participation plus forte d’Inria à sa gouvernance à travers deux initiatives. D’abord, une invitation à son conseil d’administration, en vue, peut-être, s’il y avait un changement de statut, de nous attribuer une place statutaire au sein de ce conseil. D’autre part, la présidence de l’université envisage de créer un directoire entre Rennes 1 et les quatre organismes de recherche présents sur le site : CNRS, INRAE, Inria, Inserm.”
Voilà pour la gouvernance centrale. “Après, on peut aussi réfléchir à des niveaux en dessous et s’interroger sur une structuration plus efficace permettant de mieux travailler ensemble sur le périmètre numérique rennais. La déléguée scientifique du centre Inria participe, d’ailleurs, déjà, à la commission recherche du conseil académique de l’université.”
Des décisions arriveront vite. “Dans les six prochains mois, Rennes 1 va être évaluée par le HCERES, le Haut comité d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur. Une part de cette évaluation consiste pour l’université à refaire un projet d’établissement qui sera soumis à l’appréciation du Haut comité. Nos discussions vont donc se dérouler dans ce contexte et selon ce calendrier.”
L’état d’esprit ? “J’ai le sentiment que le site est à l’aube d’une ère nouvelle, que les établissements veulent bouger, qu’ils trouvent un soutien fort auprès de la Région et de l’État. Du coup, on sent s’ouvrir une phase d’opportunités. Et, pour moi, c’est enthousiasmant de revenir dans une période comme celle-là où des choses vont se construire.”
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