InterDigital et Inria lancent un laboratoire commun

Le centre Inria de l’Université de Rennes inaugure un laboratoire commun avec InterDigital, l’une des plus grandes entreprises mondiales de pure R&D dans le domaine du numérique. Baptisé NEMO.AI, ce nouveau laboratoire ambitionne d’introduire des technologies innovantes qui contribueront à l’avènement du metaverse.


Nous entretenons une collaboration de très longue date avec les gens d’InterDigital,  explique Franck Multon, directeur de recherche chez Inria. Depuis des années, nous travaillons ensemble via des thèses Cifre. Piloté par l’ANRT (Association Nationale Recherche Technologie), ce dispositif permet à des entreprises de recruter des doctorants dont la recherche s’effectue en partie dans un laboratoire public. Nous en avons eu un grand nombre. Mais fondamentalement, il s’agissait de projets au coup par coup. Nous avons donc souhaité évoluer vers un partenariat plus structuré et de plus long terme pour renforcer cette dynamique. D’où la décision de lancer ensemble un laboratoire appuyé sur une feuille de route commune.

Sur le campus de Rennes, les centres de recherche d’InterDigital et d’Inria sont voisins. Au fil des carrières, il arrive que des scientifiques passent de l’un à l’autre. Ce qui explique aussi que les deux entités se connaissent si bien.

 

Des recherches très complémentaires

Mais surtout, elles mènent des recherches très complémentaires. Dans le domaine des avatars, par exemple, InterDigital possède une grande expertise en simulation des expressions faciales, en captation 3D du visage et en stylisation de visage. À Inria, nous ne couvrons pas du tout ces sujets-là. Mais à l’inverse, nous disposons de techniques très avancées pour le mouvement du corps, l’incarnation et la modélisation de l’interaction en réalité virtuelle. Ces thèmes se complètent fortement.

Appelé NEMO.AI, le laboratoire commun constitue en fait une structure cadre chargée d’accueillir ensuite des projets spécifiques. Dans le langage d’Inria, ces projets s’appellent des ‘défis’. Le premier d’entre-eux va justement s’intéresser aux avatars destinés au metaverse. Il s’agit d’une nouvelle génération d’environnements immersifs auxquels les utilisateurs se connecteront bientôt, que ce soit pour le jeu, le travail, la formation, les achats, l’activité sur les réseaux sociaux, etc.

 

L’industrie a besoin d’un standard

Comme le fait remarquer Philippe Guillotel, directeur de recherche chez InterDigital, “votre avatar constitue un élément essentiel des metaverses. C’est votre représentation dans les mondes virtuels. Mais aujourd’hui, il vous en faut un spécifiquement pour chacune des plateformes que vous fréquentez. Un avatar pour Meta/FaceBook. Un autre pour Microsoft. Un autre pour Google, etc. Vous ne pouvez pas réutiliser le même. Il n’existe pas d’interopérabilité entre ces plateformes. Même problème pour les objets. Vous ne pouvez pas les transporter d’un site à l’autre. Cela ne marche pas.

Pour avancer, l’industrie a donc besoin d’un standard. Le but d’InterDigital et d’Inria est d’apporter leurs technologies dans cette future norme. Vecteur privilégié : le consortium MPEG, un groupe de standardisation dont tous deux sont membres. “D’ailleurs, on peut certainement faire une analogie avec le format MPEG, observe Franck Multon. Quand ce standard est sorti, il a résolu tous les problèmes d’incompatibilité pour les images 2D. Aujourd’hui, on peut lire une vidéo quelque soit l’application ou l’appareil.

 

Avatars basés IA

Une des technologies clés pressenties pour construire cet avatar multiplateforme n’est autre que l’intelligence artificielle. “Nous pensons effectivement que l’IA est très pertinente, explique Philippe Guillotel. Elle permet d’encoder l’information d’une façon plus intelligente, extrêmement compacte et très représentative dans ce que l’on appelle des espaces latents. Par rapport à une représentation classique construite sur de la vidéo, l’avatar basé IA présente un énorme avantage : il est facile à modifier. En tant qu’utilisateur, je peux changer mon apparence, mes expressions, la façon dont je bouge, etc.

Cela dit, d’un point de vue scientifique, il reste encore beaucoup de points durs. “Nous avons affaire à des algorithmes complexes, des systèmes complexes et une intégration complexe dans les infrastructures de metaverse. Donc nous n’y sommes pas encore. Mais, au bout du compte, c’est peut-être précisément là, dans ces espaces latents, que se trouve le futur standard…

 

Aides gouvernementales

La création du laboratoire commun a été facilitée par le plan de relance économique lancé par le gouvernement après la séquence du Covid. Dans ce cadre, l’Agence nationale de la recherche (ANR) prend en charge pendant deux ans 80% du salaire des post-doctorants et ingénieurs embauchés par Inria pour travailler sur le projet. Les 20% restants sont payés par l’industriel.

Le premier défi mis en place dans le laboratoire s’appelle YS.AI. Il va permettre le recrutement de plusieurs post-docs et ingénieurs, mais aussi des thésards. Une partie d’entre eux effectueront des thèses Cifre classiques. Deux vont bientôt démarrer. Par ailleurs, trois autres thèses se feront sous recrutement Inria avec un co-financement par les deux partenaires.

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