En France, peu de jeunes filles se tournent vers les métiers de l’informatique. En cause : une idée reçue qui voudrait que ces professions s’adressent surtout aux garçons et de préférence à ceux un peu geek. Pour lutter contre ces préjugés, le groupe de travail “Egalité et Parité” d’Inria et de l’Irisa organisait, le 23 avril dernier, une journée découverte au centre de recherche de Rennes à l’intention de 48 élèves en classe de cinquième.
“C’est parti d’un constat, témoigne Anne-Cécile Orgerie, l’une des neuf personnes à l’origine de cette initiative (1). Tous les ans, des élèves des classes de troisième viennent effectuer leur stage d’observation dans notre centre de recherche. Mais parmi eux… très peu de collégiennes ! Ce sont essentiellement des garçons qui se présentent et qui se disent intéressés par les métiers de l’informatique. Or, il n’y a pas de raison que les filles se détournent de ces professions. Il nous a donc semblé intéressant d’agir contre ce stéréotype qui conduit à une forme de ségrégation à l’emploi. Ce stéréotype étant manifestement déjà bien installé dans les classes de troisième, nous nous sommes dit qu’il fallait faire un travail de sensibilisation en amont. C’est pourquoi nous avons choisi d’inviter des élèves de cinquième.”
Venus du collège Pierre Brossolette de Bruz, en périphérie de Rennes, 48 jeunes, garçons et filles, ont participé à cette première journée de déconstruction des préjugés. “Non, l’informatique n’est pas qu’un métier d’hommes. D’ailleurs, il y a des pays où l’on observe une parité dans ce domaine. En Roumanie, par exemple, la proportion filles-garçons avoisine les 50-50 dans les formations supérieures en informatique.” Et en France ? “Environ 10% de filles. Et cette proportion diminue même au fil du temps. Dans les années 1980, par exemple, il y avait énormément de programmeuses. C’est un peu aussi ce que l’on voit aux États-Unis à travers le film Les Figures de l’Ombre qui évoque ces femmes chargées d’effectuer les calculs de trajectoire pour les fusées de la Nasa.”
Si on remonte un peu plus dans le temps, “le premier informaticien fut d’ailleurs une femme. En l’occurrence la Britannique Ada Lovelace. C’est elle qui, au 19ème siècle, a imaginé le premier algorithme. Elle envisageait même des machines pouvant composer des symphonies. Plus près de nous, on pourrait aussi citer l’Américaine Grace Hopper, informaticienne et amirale dans la marine américaine.” La Queen of Code, comme on l’appelait, a conçu le premier compilateur et le langage Cobol. “Plus récemment, il y a eu des personnalités comme Rose Dieng, l’une des premières femmes chefs d’équipe à Inria.”
Trois ateliers
Ces informaticiennes et quelques autres faisaient partie d’une galerie de portraits présentée aux élèves dans le cadre d’un premier atelier. “Dans le lot, nous avions aussi placé la photo d’un auteur de bandes dessinées. Le but était de montrer qu’il n’y a pas un physique de l’emploi. Informaticien ou dessinateur, impossible de deviner qui fait quoi. Ce n’est pas marqué sur le front.” Exit donc le cliché du geek pâlichon rivé à son PC gamer.
Deuxième atelier : le jeu du crêpier. “Ici, l’objectif, c’est de faire de l’informatique débranchée, c’est-à-dire sans ordinateur. Les élèves doivent classer dans un ordre croissant une pile de tuiles de différentes tailles et différentes couleurs en les retournant avec une spatule.” L’exercice s’effectue par binôme. Une personne donne les ordres et l’autre les exécute. “Au début, c’est simple et puis cela se complique car celui qui décide ne voit plus les tuiles. De plus, il ne connaît pas la configuration de départ. Mais il doit quand même être capable d’expliquer à son co-équipier la façon de trier. Et pour cela, il va dire : si telle tuile se trouve au-dessus, alors effectue telle action. Autrement dit, il va construire une boucle logique avec des conditions. C’est le début d’un algorithme comme on en retrouve en programmation.”
Le dernier atelier se déroulait dans la salle de réalité virtuelle Immersia. Un casque holographique sur les yeux, “les jeunes ont pu expérimenter une démonstration d’un logiciel conçu pour la formation professionnelle du personnel médical en bloc opératoire. C’est un exemple concret pour illustrer la grande diversité des métiers de l’informatique.”
Avant de partir, collégiens et collégiennes ont enfin répondu à un questionnaire qui leur avait déjà été présenté une première fois à leur arrivée. Questions : “Est-ce que l’informatique c’est… compliqué ? …incontournable ? …réservé aux passionnés ? …bien pour les timides ?” La comparaison entre les réponses données avant et après permettra de mesurer le chemin parcouru. Et la bonne réponse ? “En réalité, il n’existe pas un profil type d’informaticien, mais différents profils pour différents besoins. C’est un métier très divers qui fait appel à de la créativité, de la communication, du travail d’équipe… C’est 20% de technique et 80% de travail collaboratif.”
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