Les microscopes à fluorescence sont beaucoup utilisés en biologie et en médecine. Mais les images produites présentent des imperfections. Elles sont floues et entachées de bruit. En collaboration avec la société Innopsys, une équipe du centre Inria Rennes – Bretagne Atlantique vient de mettre au point une méthode de déconvolution qui permet de réduire ce flou et le bruit sur des images de grande taille, en un temps record. Baptisé SparsEVolution, le prototype est en cours d’industrialisation.
L’histoire débute en 2013 avec la thèse de Hoài Nam Nguyễn au sein de Serpico, une équipe de recherche rennaise qui travaille à l’amélioration des images issues de la microcopie en biologie. “Cette thèse s’est effectuée dans un cadre industriel, explique Charles Kervrann, responsable de l’équipe. Elle a été financée par Innopsys, une entreprise toulousaine qui conçoit des scanners pour les puces à ADN et à présent pour les micro-matrices de tissus (« Tissue Microarrays » (TMA)). Concrètement, ce sont de très grandes images d’environ 20 000 par 80 000 pixels sur lesquelles on observe une matrice dont les éléments sont des spots, plus ou moins bien alignés. Chacun de ces spots est lui-même une image de l’ordre de 512 par 512 pixels ou 1024 par 1024 pixels. On peut y observer les éléments internes d’une ou de plusieurs cellules.”
Problème : à la sortie des machines, le rendu des images TMA n’est pas forcément optimal. “La thèse visait donc à améliorer leur qualité. Le travail à réaliser a été décomposé en trois parties. Il y a d’abord eu un travail de réalignement des spots sur une grille parfaitement orthogonale, afin de faciliter la lecture automatique des images. La deuxième étape a consisté à corriger certains artefacts de construction des images. Le balayage laser, par exemple, produit des lignes de pixels qu’il faut ensuite réaligner les unes par rapport aux autres. Et en troisième lieu, nous avons principalement cherché à enlever le flou qui peut persister sur les images.”
Traitement rapide
Ce troisième volet a permis de mettre au point une méthode de déconvolution innovante qui se distingue par sa rapidité de traitement. “Elle peut traiter une image de 512 par 512 pixels en moins d’une seconde et une image de 10 000 par 80 000 en quelques minutes. Cette vitesse est sensiblement la même pour les deux versions de notre déconvolueur développées simultanément sous MATLAB et en C++.”
Dans le prolongement de la thèse, Inria a lancé une Action de développement technologique (ADT) pour permettre l’industrialisation de ce prototype nommé SparsEVolution. Cette initiative finance un poste d’ingénieur pendant six mois afin de transformer le logiciel de recherche et d’en faire un outil à destination des utilisateurs des machines Innopsys. “Il s’agit d’une licence non exclusive. S’ils le souhaitent, les autres fabricants pourront donc acquérir une licence commerciale.”
Un large cadre applicatif
Rapide et robuste, la méthode mise au point s’avère par ailleurs “suffisamment générique pour concerner toute la microscopie de fluorescence au sens large. Elle peut traiter des images de microscopie optique 2D-3D observées avec une résolution de 200 nanomètres, dans lesquelles on observe soit des amas de cellules, soit des biomolécules ou des filaments au sein d’une seule cellule, etc. Nous allons donc dépasser le cadre applicatif initial.”
Autre particularité du logiciel : sa grande flexibilité. “Souvent les méthodes de déconvolution supposent que le bruit est gaussien, qu’il est poissonnien, qu’il est Poisson-gaussien. Bref, il faut spécifier ce modèle paramétrique. Notre modèle est capable de s’adapter sans que l’on ait quoi que ce soit à changer.” Mais le contrôle humain reste possible. “Si l’utilisateur souhaite modifier le rendu, il va pouvoir le faire en affinant avec un seul paramètre.” En l’occurrence, il va jouer sur ce que l’on appelle la PSF (Point Spread Function) ou fonction d’étalement du point qui correspond à la diffraction engendrée par chaque système optique. “L’utilisateur peut observer son réglage, par exemple, sur une partie de l’image et décider de s’en servir soit pour tout le reste de l’image ou pour toute une série d’images.”
La méthode étant très rapide, les chercheurs y adjoignent des techniques permettant de choisir automatiquement le paramètre. “Nous déconvoluons l’image plusieurs fois avec des paramètres différents. Ensuite, soit nous créons une image fusionnée de toutes ces versions (parce que le paramètre a été très bon à certains endroits et moins à d’autres), soit nous calculons un critère global pour choisir la meilleure image dans le lot. Cela évite à l’utilisateur de devoir passer beaucoup de temps à les observer. Le temps de calcul global est donc proportionnel au nombre de PSF décidé par l’utilisateur.”