Des transformées linéaires plus rapides

La transformation linéaire est l’une des opérations les plus courantes en traitement du signal. Mais les coûts de calcul et de stockage peuvent vite grimper. Des recherches menées récemment au centre Inria Rennes – Bretagne Atlantique font émerger une méthode innovante sensiblement plus économique pour certains cas. L’institut finance une action de développement technologique (ADT) pour faciliter le transfert de ce nouveau procédé vers l’industrie.

L’histoire débute en 2012. Chercheur au centre Inria de Rennes où il dirige l’équipe de recherche Panama sur le traitement du signal, Rémi Gribonval figure parmi les lauréats sélectionnés par le Conseil européen de la recherche (ERC). Sa bourse va financer cinq ans de travaux. L’objectif : imaginer des méthodes pour obtenir une représentation plus parcimonieuse des données. Pari gagné… Les premiers résultats font apparaître des gains significatifs dans la compression. Ce qui vaudra au passage deux prix de thèse à un doctorant de l’équipe pour ses contributions sur le sujet (1).

Il serait dommage que cette technologie en reste au stade de la simple publication scientifique. Nous pressentons qu’elle a du potentiel dans les domaines du traitement du signal, du calcul scientifique, de la vision par ordinateur, etc. Il faut donc que nous allions plus loin dans le développement afin que des industriels puissent s’en emparer.” D’où la décision d’Inria de recruter un ingénieur pendant deux ans pour faire mûrir le prototype et faciliter son transfert.

Mais de quoi s’agit-il exactement ? “Dans la plupart des traitements, on présente les données numériques comme des vecteurs, donc des jeux de valeurs. Il y a toujours un moment où l’on est amené à faire des transformations linéaires du vecteur. Autrement dit, on calcule un autre vecteur à partir du premier en faisant des additions ou des multiplications. On prend une matrice et on en obtient une autre. Exemple classique : la transformée de Fourier utilisée pour la compression de signaux audio. Une des raisons pour lesquelles elle est utilisable tient à sa rapidité.

Un coût de calcul souvent élevé

Cependant, tel n’est pas le cas de la plupart des autres transformées. “Il existe beaucoup de méthodes où l’on modélise des phénomènes physiques avec une transformée linéaire. En général, le coût de calcul croît quadratiquement avec la taille du vecteur que l’on traite.” Même inflation du côté de la description, c’est à dire l’espace de stockage nécessaire pour définir l’opération à effectuer, ce que l’on pourrait aussi appeler le programme.

Les travaux menés dans le cadre de l’ERC ont ouvert une nouvelle perspective. “Nous avons mis au point une technique pour approcher une transformée linéaire coûteuse afin d’obtenir une approximation donnant à peu près les mêmes résultats, mais avec une description plus concise et un calcul plus rapide. Dans certaines situations, notre preuve de concept a montré que nous pouvions obtenir sensiblement les mêmes résultats numériques mais avec 20 fois moins de stockage. Pour le temps de calcul, nous n’y sommes pas encore tout à fait car il nous reste du travail à faire sur l’optimisation du code.

Les travaux de développement comprendront deux phases. “Dans la première, nous voulons rendre l’outil ergonomique. Nous allons concevoir une interface de prise en main qui permettra d’implémenter cette technologie dans des programmes existants. Dans la deuxième, nous nous préoccuperons surtout de pousser la capacité d’accélération. Nous nous intéresserons d’abord à la démonstration du gain en mémoire parce que nous avons déjà bien documenté cet aspect. Le fait de réduire ainsi l’empreinte mémoire nous permet d’envisager d’intégrer certains traitements jusqu’à présent trop lourds dans des systèmes embarqués.

De la robotique à l’imagerie médicale

Reste une inconnue : “La gamme des cas d’utilisation pour lesquels la technologie va permettre des accélérations. Durant nos explorations académiques, nous avons obtenu des courbes de compromis très intéressantes sur certaines transformées linéaires issues de certains scénarios. Cela nous met plutôt en confiance. Nous pensons que beaucoup de transformées rentrent dans ce cadre. Par ailleurs, notre technique possède un autre avantage : elle remplace des transformées très rapides mais très rigides par une transformée un peu plus flexible que l’on peut adapter à un domaine d’utilisation. Nous allons donc maintenant nous mettre en contact avec des industriels pour étudier des cas d’usages. Nous pensons aux domaines de la robotique, de l’intelligence artificielle ou encore de l’imagerie médicale.


  • (1)    Luc Le Magouarou.  Matrices efficientes pour le traitement du signal et l’apprentissage automatique. 2016. Prix de thèse Afrif 2017 et prix de thèse Paul Caseau 2017.
  • Crédit photo : Photo by Denisse Leon on Unsplash

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