Depuis une quinzaine d’années, des scientifiques marient l’analyse biomécanique et la réalité virtuelle pour étudier le geste sportif et concevoir de nouveaux outils d’entraînement afin d’améliorer les performances des joueurs. À Rennes, c’est l’une des spécialités du laboratoire Mouvement Sport Santé (M2S) dont l’équipe Inria MimeTIC a entamé une collaboration avec l’Institut des Sciences du Mouvement Etienne-Jules Marey (UMR 7287) basé à Marseille. L’objectif : développer un outil industrialisable de perfectionnement du lancer au basket-ball. Signe particulier : le projet est financé à la fois par Inria et STAR, tous deux membres du réseau des instituts Carnot.
C’est l’histoire du joueur qui fait semblant de partir à gauche mais qui contourne à droite. Le grand classique de la feinte de corps pour passer la défense adverse. Un ticket gagnant au foot, au rugby et bien d’autres sports. Sur le campus de Ker Lann, à deux pas de Rennes, les chercheurs du laboratoire M2S décortiquent l’interaction sportive sous toutes les coutures. Ils disposent pour ce faire d’une infrastructure unique en France : la plateforme Immermove, un gymnase équipé pour la capture de mouvement et doté aussi d’une grande salle de réalité virtuelle. Ils fonctionnent en tandem avec leurs collègues et voisins de MimeTIC, une équipe spécialisée dans l’humain virtuel et son animation. Les travaux de ces deux équipes (1) viennent de propulser l’université de Rennes 2 parmi les 200 meilleures au monde en catégorie sciences et sport dans le célèbre classement de Shanghaï.
“Ce qui nous intéresse, c’est de mieux comprendre la performance motrice et perceptive dans la pratique sportive, résume le chercheur Richard Kulpa. Ce travail comporte d’abord un volet d’analyse biomécanique pour extraire les paramètres discriminants des gestes. Nous couplons ensuite ces connaissances avec des outils de réalité virtuelle pour disposer d’un environnement standardisé dans lequel nous pouvons contrôler ce que voit l’utilisateur. Nous analysons ainsi sa performance motrice mais aussi perceptive : ce que le joueur perçoit de l’adversaire pour prendre l’avantage sur lui. Nous observons comment il réagit en fonction du stimulus visuel que nous lui envoyons sur l’écran. Au rugby, par exemple, si l’attaquant fait une feinte de corps, il y a des paramètres comme l’orientation de la tête et des épaules qui sont destinés à tromper l’adversaire, mais il y a d’autres paramètres posturaux qu’il maintient pour pouvoir rapidement changer de direction. L’orientation du bassin par exemple.”
Détecter la ruse
La détection de la feinte intervient dans des intervalles de temps extrêmement courts. 100 millisecondes peuvent séparer la prise de décision d’un joueur novice comparée à un expert. C’est sur ce laps de temps que peut se jouer l’action. C’est sur cette prise d’informations précoce que va donc porter l’entraînement par réalité virtuelle. “Nous pouvons aussi intervenir sur les paramètres spatiaux de la posture en modifiant la hauteur d’un bras ou la position de l’adversaire, etc.” Les chercheurs bretons conçoivent ainsi des protocoles expérimentaux en collaboration avec des fédérations ou des clubs de différentes disciplines.
La nouvelle aventure concerne le basket. Elle commence par un coup de téléphone venu de Marseille. “Nos collègues du laboratoire Comportement Perceptivo-Moteur de l’Institut des Sciences du Mouvement Etienne Jules Marey (2) développent un scénario d’entraînement basé sur la réalité virtuelle pour effectuer un meilleur lancer. Ils ont une compétence plutôt axée sur les neurosciences. Ce qui leur manque, en l’occurrence, ce sont des humains virtuels et la partie interaction avec un adversaire virtuel.” L’occasion donc de monter une collaboration.
En l’occurrence, chacune des équipes va être financée par un membre du réseau Carnot, un label dont disposent 38 instituts d’excellence œuvrant pour la recherche et l’innovation en direction des entreprises. À Marseille, CPM est affilié au STAR, un institut centré sur la R&D dans le domaine sport et santé. À Rennes, M2S, via l’équipe-projet Mimetic, est affilié à Inria, également détenteur du label et qui a décidé de soutenir ce projet en raison des opportunités de transfert technologique qu’il présente.
La contribution d’Inria permettra de rémunérer un ingénieur chargé de faire évoluer la plateforme d’animation de M2S. “À Rennes et Marseille, nous utilisons des simulateurs différents. Nous voulons les rendre compatibles de façon à pouvoir les utiliser aussi bien chez eux que chez nous.” Lancé début octobre 2017, le projet va s’étendre sur un an. “Il doit aboutir à une preuve de concept. Ensuite, viendra une phase de maturation en vue d’industrialiser l’outil et d’effectuer son transfert vers un acteur du monde économique. Cette étape sera pilotée par la SATT de la région Sud Est (3). Elle pourrait aboutir à la création d’une start-up.”
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