On les appelle les TMS. Troubles musculo-squelettiques. Ils représentent 87 % des maladies professionnelles dans l’industrie. Née de recherches menées au laboratoire Mouvement Sport Santé (M2S) à Rennes, l’entreprise Moovency développe une solution de quantification du risque basée sur l’analyse des postures des opérateurs à leur poste de travail. Labellisée par le pôle Images et Réseaux, une nouvelle phase de R&D va permettre de basculer ce service vers le cloud.
21 000 euros. C’est ce que coûte en moyenne un arrêt de travail lié à un trouble musculo-squelettique. Comment prévenir ces risques ? En optimisant l’ergonomie du poste de travail et le geste de l’opérateur. C’est pour aider les entreprises dans cette démarche que la startup Moovency a vu le jour en novembre 2018.
Au départ de l’histoire : un étudiant en master STAPS (Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives) à l’Université Rennes 2. “Tout a commencé par une conversation avec le DRH de l’équipementier automobile Faurecia, se souvient Pierre Plantard. Dans le groupe, ils avaient beaucoup de problèmes liés aux TMS. Mais aussi beaucoup de difficultés pour mesurer les risques afin d’aménager les postes. J’ai organisé une rencontre entre le DRH et Franck Multon*, chercheur au laboratoire Mouvement Sport Santé (M2S). Nous avons convenu de travailler sur l’idée d’un outil de mesure et d’objectivation de ces risques.” S’en est suivi une thèse de doctorat* financée par Faurecia dans le cadre du dispositif Cifre*. “Elle a donné lieu à cinq publications dans des journaux scientifiques, ce qui est rare pour une thèse Cifre et montre que les résultats reposaient sur une assise scientifique très solide, commente Franck Multon. Nous sentions aussi qu’il avait un très fort potentiel pour un transfert industriel autour de Kimea, le prototype développé pendant ces travaux.”
Intuition confirmée. Pierre Plantard se voit attribuer le Prix Pépite Tremplin pour l’entrepreneuriat étudiant, un concours créé par le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Le projet reçoit le soutien de la SATT Ouest Valorisation et l’aide de Faurecia qui participe à la création de l’entreprise*. “Nous avons aujourd’hui une quinzaine de collaborateurs. Nous travaillons pour une trentaine de clients comme Airbus, Amazon ou Safran, sans oublier le secteur agro-alimentaire.”
Jumeau numérique
Comment fonctionne Kimea ? “Pour l’instant, il s’agit d’un kit composé d’une caméra de profondeur Microsoft Kinect sur trépied et des gants instrumentés, le tout relié à un ordinateur, explique Franck Multon. Grâce à lui, l’industriel peut mesurer en 3D et au cours du temps les postures d’un opérateur sur son poste de travail. Le logiciel va produire un jumeau numérique de cet opérateur animé dans une scène 3D avec des indicateurs correspondant aux risques éventuellement détectés. C’est un outil très riche en information. Il peut donner un score global pour toute la posture ou simplement, par exemple, sur l’épaule droite ou l’épaule gauche.”
Mais la solution va connaître une évolution significative. Labellisée par le pôle Images et Réseaux, une nouvelle phase de R&D associe Moovency, Inria et Quortex, une startup rennaise spécialisée dans la vidéo sur internet. L’objectif ? “Développer une version cloud, poursuit Pierre Plantard. Pour l’instant, les données sont stockées sur l’ordinateur associé à la Kinect. Inconvénient : nos clients qui possèdent beaucoup de sites à travers le monde doivent faire voyager ce kit matériel d’usine en usine. D’où l’idée d’aller vers une solution beaucoup plus mobile où l’industriel peut réaliser la capture d’image à l’aide d’un simple smartphone et l’envoyer ensuite vers un cloud où les données sont centralisées puis analysées.”
KimeaCloud
Baptisée KimeaCloud, cette nouvelle version annonce une transformation en profondeur. “Nous voulons placer la plateforme d’agrégation de données au cœur de nos solutions. Elle va centraliser les indicateurs. D’ailleurs, on peut imaginer qu’à l’avenir, elle intègre des données provenant de solutions concurrentes ou issues d’autres instruments, des cardiofréquencemètres par exemple. Pour nous, la valeur de l’entreprise se situe dans la connaissance que va nous apporter cette donnée remontée du terrain.”
Et pour faire ressortir des informations plus pertinentes, les regards se tournent vers l’intelligence artificielle.
“Nous travaillons en amont sur le développement de méthodes en machine learning, indique Franck Multon. Cela fait d’ailleurs l’objet d’une nouvelle thèse Cifre financée par Faurecia. Il s’agit d’utiliser des réseaux de neurones pour essayer de prédire un niveau d’inconfort ressenti par les opérateurs. Aujourd’hui, nos indicateurs en ergonomie permettent de remonter un niveau de risque sur des postures isolées. Nous voudrions aller vers le mouvement complet. Et ces travaux, eux aussi, vont certainement donner lieu à un transfert.”
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