Intelligence artificielle clé en main pour les usines

L’intelligence artificielle appliquée au traitement d’image pourrait grandement améliorer l’efficacité de certains process industriels. Mais dans les faits, les entreprises peinent à intégrer ces algorithmes de vision par ordinateur dont la maîtrise exige beaucoup de R&D. Actuellement en phase de maturation dans le Startup Studio d’Inria, le projet d’entreprise Vix s’apprête à proposer un capteur cognitif directement utilisable en production. Cette innovation intéressera d’abord les fabricants de machines.


Dans l’industrie, près de 90% des projets de R&D en intelligence artificielle s’achèvent sans aboutir à un produit. À cela, plusieurs raisons : manque d’expertise en interne, difficulté à collecter les données d’apprentissage, problème pour insérer l’IA dans l’existant, sans parler du coût de développement et du temps nécessaire pour finaliser une solution opérationnelle.

C’est donc pour faciliter l’intégration industrielle de l’IA dans le domaine de la vision par ordinateur que nous avons eu l’idée de concevoir un capteur cognitif,” résume Tomás Crivelli, le porteur du projet Vix, au Startup Studio d’Inria.

Il s’agit d’une brique logicielle chargée de fournir une information durant la production. Prenons un cas concret : l’analyse de surface pour les matériaux. En métallurgie, par exemple, à la sortie de la machine, les fabricants veulent vérifier que les plaques métalliques ne présentent pas de défaut : pas de rayures, pas de déformations. Donc ils veulent inspecter automatiquement ces surfaces grâce à des caméras. Et c’est l’algorithme d’intelligence artificielle qui va ensuite effectuer le travail d’analyse d’image pour dire si, oui ou non, la plaque métallique présente des anomalies. Pour un industriel, implémenter un projet de R&D de ce type s’avère assez complexe.” Ce n’est d’ailleurs pas forcément son métier. “Quand on a besoin de prendre une température, on ne se met pas à fabriquer un thermomètre. On en achète un. Le capteur cognitif, c’est un peu pareil : un instrument qui fournit une mesure intelligente.

 

Métallurgie, agro-alimentaire…

En pratique, Vix se positionnera principalement sur deux secteurs. “Tout d’abord, l’industrie des matériaux. La métallurgie, la plasturgie, etc. Ensuite, l’agro-alimentaire.” Pourquoi ? “Parce que l’on y retrouve souvent ce concept d’anomalie à détecter. À la sortie d’un four, par exemple, l’industriel peut vouloir vérifier la couleur de la pâte. Ce qui va lui donner une indication sur la qualité de la cuisson. L’algorithme est capable de dire si cette couleur est conforme ou pas.”.

 

Facilité d’intégration

La valeur ajoutée du capteur cognitif réside dans sa facilité l’intégration. “Nous allons mettre en place des méthodes permettant de l’adapter à chaque client. Pas besoin de le redévelopper pour chaque cas de figure. Le capteur pour l’inspection de surface peut servir dans de nombreux contextes. En production, nous allons lui montrer des images normales. Il va apprendre que tous les cas différents sont des anomalies.” Sur ce principe, l’entreprise prévoit de concevoir un catalogue complet de capteurs cognitifs génériques polyvalents, chacun étant dédié à une fonction particulière. “Par exemple, nous en aurons un autre chargé de détecter s’il y a une pièce manquante sur une ligne de production. Sur une chaîne de montage, on peut trouver ainsi plusieurs capteurs effectuant chacun une tâche précise.

Ces briques logicielles clé en main s’adresseront aux équipementiers qui commercialisent les machines de process industriel. “Ces constructeurs pourront intégrer le capteur cognitif dans les machines pour fournir ainsi à leurs clients des fonctions supplémentaires de contrôle qualité.”

 

Maturation dans le Startup Studio

Entré dans le Startup Studio d’Inria en janvier 2021, Vix fait partie de ces projets qui ne sont pas portés par des scientifiques directement issus de l’Institut, mais par des personnes arrivant de l’extérieur. “J’ai travaillé pendant sept ans pour le groupe Technicolor, près de Rennes, explique Tomás Crivelli. Je développais des algorithmes pour les effets spéciaux dans le cinéma. Puis en 2017, j’ai cofondé une société de vision par ordinateur travaillant pour la métallurgie. Son siège se trouve en Argentine, mon pays d’origine, j’ai beaucoup travaillé à distance.

De fil en aiguille est venue l’idée de créer une entreprise en France et en l’occurrence à Rennes. “Je me suis alors rapproché d’une structure d’incubation, 1Kubator, pour structurer le projet, identifier le marché, etc. Nous sommes arrivés au constat que c’était un projet à caractère deep tech. À partir de là, en septembre dernier, j’ai contacté le Startup Studio d’Inria pour entreprendre une étape de maturation de la technologie. J’ai été accepté dans ce programme en fin d’année. Cela dit, je connais bien Inria. J’ai effectué ma thèse de doctorat sous la direction de Patrick Bouthemy, chercheur à l’institut. Ensuite, nous avons continué à travailler et publier ensemble.

L’étape de maturation qui vient de commencer devrait durer un an. Un ingénieur rejoindra prochainement le projet pour effectuer l’industrialisation du logiciel. Étape suivante : démarrage de l’entreprise début 2022.

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