Un calepin numérique dans les vignes

Projet d’entreprise soutenu par le Startup Studio d’Inria, AgriBIoT s’appuie sur les expériences précédentes des membres fondateurs et sur des résultats de recherche en informatique diffuse, pour proposer aux agriculteurs une solution innovante de gestion de données par tags RFID. À la clé : un pas de plus vers la traçabilité.      

 


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L’amélioration des rendements, l’optimisation des intrants, la réduction de la pollution et la traçabilité du produit, voilà les enjeux, résume Oscar Roberto Bastos, le porteur du projet.

 

Sans parler des économies de temps et de carburant quand on peut s’épargner un passage de tracteur sur une parcelle.” En toile de fond aussi : l’émergence d’une agriculture de précision au diapason des nouvelles normes réglementaires qui vont bientôt limiter l’usage des produits phytosanitaires.

AgriBIoT va s’intéresser aux productions à forte valeur ajoutée. À commencer par le vin. L’idée : installer des tags RFID dans les vignes. Un tag par rangée, voire même un tag par pied. “C’est un peu comme un bloc-notes numérique. Pour l’instant, l’exploitant doit parcourir ses vignes avec un calepin dans lequel il note les travaux à effectuer. Par exemple, réparer tel piquet qui a été arraché accidentellement par un tracteur ou bien encore passer de la bouillie bordelaise sur telle rangée de vigne. Ensuite, il doit transmettre ces instructions aux ouvriers agricoles. Parfois aussi, il retranscrit les indications dans une base de données ou un registre pour le suivi des travaux. C’est tout ce processus-là que nous voulons optimiser et simplifier.

En pratique, l’exploitant déposera ses annotations directement dans les champs à l’aide des tags et d’un lecteur-enregisteur RFID. Plus tard, l’ouvrier agricole pourra, à son tour, consulter ces consignes et effectuer le travail demandé : réparer un palissage, tailler une rangée de vignes, broyer les sarments…

 

Stockage diffus

Mais l’innovation ne réside pas dans le tag lui-même. Elle se situe dans la façon dont il est utilisé. AgriBIoT exploite ici une technologie développée par Ease, une équipe de recherche spécialisée en informatique diffuse au centre Inria de Rennes. Deux de ses membres, Paul  Couderc et Jean-Marie Bonnin participent d’ailleurs au projet en tant que membres fondateurs.

“Les systèmes actuels de tags RFID ou de flash codes se contentent en fait de stocker un identifiant qui renvoie l’utilisateur vers une base de données, explique Jean-Marie Bonnin. De notre point de vue, ce modèle de fonctionnement présente plusieurs inconvénients.  Premièrement, il faut que tout le monde partage l’accès à cette base de données. Or ce n’est pas forcément souhaité. Deuxièmement, il faut que l’utilisateur ait physiquement accès à cette base. Mais si le tracteur arrive sur une parcelle où il n’y a pas de réseau, l’ouvrier agricole ne peut pas obtenir l’information dont il a besoin. Ce qui va bloquer son travail.

AgriBIoT repose sur un paradigme inverse. “Les informations sont entreposées dans l’environnement pour un usage local. Les tags RFID contiennent donc directement les données. Nous pourrions d’ailleurs y insérer aussi des morceaux de codes à exécuter au moment de l’éclairage par radio fréquence, même si nous n’utilisons pas cette capacité pour l’instant.”  Outre les consignes de travail, le tag pourra également conserver des données mesurées par d’éventuels capteurs chargés de garder un œil sur l’hygrométrie, la température, etc.

Dispersée dans les cultures, cette architecture de stockage diffus s’avère aussi beaucoup plus souple que les systèmes passant par le cloud.

Une des difficultés des autres modes de fonctionnement, c’est qu’il faut identifier très précisément chaque pied de vigne, donc construire une représentation très précise des plantations dans les parcelles. Cela complique énormément toutes les opérations.

 

Maîtrise des données

À l’aide d’une passerelle, toutes les données stockées dans les vignes sont ensuite ramenées vers un serveur local basse consommation installé dans le bureau de l’exploitant. Là aussi, nouvel avantage par rapport au cloud. “L’agriculteur garde la maîtrise totale de ses données, indique Oscar Roberto Bastos. L’exploitant peut décider de les partager, par exemple, avec la coopérative à laquelle il adhère. Mais c’est lui qui choisit. Il conserve le contrôle.”

Autre particularité : “C’est l’outil qui s’adapte aux processus de production et non l’inverse. Cela grâce à l’utilisation de standards, d’interfaces ouvertes et de logiciels libres. À l’aide d’un simple navigateur internet, l’exploitant va pouvoir créer ses propres menus dans l’application pour définir par exemple le type de travail à effectuer. Une fois dans les parcelles, il trouvera ces menus sur le lecteur-enregistreur.” Et l’ouvrier agricole aussi par la même occasion…

Une des idées que nous défendons, c’est l’adoption progressive de cette technologie, ajoute Jean-Marie Bonnin. Au fur et à mesure que les exploitants vont se mettre à l’utiliser, de nouveaux cas de figure et de nouveaux usages apparaîtront. Il faut aussi que notre application soit adaptable à chaque culture, à chaque métier.

Financé par Inria, l’ingénieur Simon Tropée vient de rejoindre l’équipe pour travailler à l’industrialisation du logiciel. Le démarrage de l’entreprise interviendra fin 2021. Pour débuter, AgriBIoT va se focaliser sur la viticulture. Cela dit, la technologie intéresse aussi d’autres filières. “Nous discutons avec les producteurs de pommes bio du Morbihan, par exemple. Les productions sont différentes, mais le paradigme reste le même,” explique Oscar Roberto Bastos.

À terme, cet outil va aussi permettre d’améliorer la traçabilité des produits et l’information des consommateurs. “Dans quelques années, vous pourrez flasher l’étiquette de la bouteille de vin et savoir dans quelles conditions les grappes ont été cultivées.

 

  •  Ease (Enabling Affordable Smarter Environment) est une équipe-projet Inria, Université Rennes 1, IMT Atlantique, commune à l’Irisa.
  • Responsable de l’équipe Ease, Jean-Marie Bonnin est également cofondateur et conseiller scientifique de YoGoKo, une entreprise développant des solutions de communication pour les systèmes de transports intelligents coopératifs.

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